Revue de livre : ‘Vache à lait : Dix mythes de l’industrie laitière’

Revue par Dr. Olivier Berreville, Biologiste et Conseiller Scientifique pour CETFA
Alors que les questions de bien-être animal sont de plus en plus présentes dans l’esprit des consommateurs, le lait et ses produits dérivés échappent encore bien souvent à l’examen du public.
Des images de ferme d’antan engrainées dans nos esprits depuis l’enfance à celles délivrées de tout bord par la publicité pour les produits laitiers, il est difficile d’échapper à l’idée que les vaches laitières sont des animaux qui vivent une vie heureuse, passant leurs journées à brouter paisiblement l’herbe des pâturages et produisant du lait aussi naturellement et facilement qu’elles respirent. Pourtant, la réalité est bien différente : la production de lait est loin d’être un processus bénin pour la vache laitière moderne, tournée par l’industrie agroalimentaire en une véritable « Vache à Lait ».
C’est dans un livre du même nom qu’Élise Desaulniers, auteure(1), blogueuse(2) et passionnée d’éthique, expose cette  réalité en adressant deux mythes associés aux questions de bien-être des vaches laitières : N’est-il pas illégal de maltraiter les animaux ? Et, si les vaches n’étaient pas heureuses, ne cesseraient-elles pas de produire du lait ?
Répondant à ces questions à l’aide d’un texte rigoureusement documenté et sans propagande, Élise Desaulniers explique le manque de protection que reçoivent les animaux de ferme, et décrit la vie d’une « vache à lait » moderne. Génétiquement sélectionnée pour produire des quantités anormales de lait, confinée dans une étable, répétitivement inséminée artificiellement, séparée de ses veaux, la vache laitière souffre aussi bien physiquement que psychologiquement.  La demande extrême imposée à son organisme la conduit à un rapide déclin après seulement quelques années de production, alors que son espérance de vie pourrait être de 20 à 25 ans. Exploitée jusqu’ à ce que son corps ne puisse plus donner, souvent blessée ou malade, la vache laitière finie sa vie de « service » à l’abattoir, fournissant la viande de qualité médiocre que l’on retrouve dans les hamburgers.
L’étendue des sujets abordés dans « Vache à Lait » ne s’arrête pas là. En effet, loin de se contenter d’adresser uniquement les questions de bien-être animal, Élise Desaulniers explore aussi huit autres mythes liés particulièrement à notre désir de consommer des produits laitiers et à leur promotion. « Vache à Lait » nous entraîne ainsi sur des sujets aussi variés que l’importance du lait pour les os et la santé, ou  l’impact des campagnes de lait dans les écoles.
L’exploration de ces mythes et de bien d’autres questions, supportée par de solides références, ne peut que provoquer une profonde remise en question des croyances populaires répandues par l’industrie laitière. Et, bien que le lecteur soit laissé à décider de ses propres choix en matière d’éthique alimentaire et de santé, il est guidé vers d’autres possibilités par un dernier chapitre détaillant les nombreuses alternatives aux produits laitiers.
 
Dotée d’un talent de narration exceptionnel, Élise Desaulniers transforme un format de livre qui aurait pu ressembler à un ennuyeux « questions et réponses » en un ouvrage éducationnel fascinant qui se lit comme une enquête. Mais plus qu’un très bon livre éducationnel, « Vache à lait » est une addition cruciale à la littérature québécoise de par son potentiel à engendrer le profond débat de société  dont nous avons tant besoin sur le traitement des vaches laitières et la place des produits laitiers dans le régime alimentaire humain.  A ce titre, Vache à lait : Dix mythes de l’industrie laitière’ est un livre qui devrait se trouver dans tous les foyers et les bibliothèques de toutes les écoles.
 
Vache à lait : Dix mythes de l’industrie laitière
Élise Desaulniers
(Préface de Normand Baillargeon)
Stanké 2013, 200 p.
Notes :
1 : « Je mange avec ma tête: les conséquences de nos choix alimentaires« , Élise Desaulniers, Stanké 2011, 264 p.

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